Contexte
En mai 1941, la Belgique est occupée par l’Allemagne nazie depuis un an. Au vu de sa production industrielle majeure (notamment de charbon et d’acier), le plat pays est d’importance stratégique pour l’effort de guerre allemand. La situation est néanmoins très compliquée pour la population. Les denrées alimentaires sont rationnées, celles-ci manquent et les prix s’envolent. Les salaires sont également bloqués et toute action de grève est interdite par l’occupant (passible du tribunal de guerre). Plusieurs petites grèves ont cependant lieu un peu partout dans le pays à partir d’août 1940 (non sans subir la répression) et vont culminer en mai 1941…
Évènements
Alors que le ravitaillement de pommes de terre est devenu inexistant en mai 1941, le 9 mai, les travailleurs du charbonnage de la Boverie à Seraing décident de ne pas descendre dans la mine. Le lendemain, des travailleuses de l’énorme usine Cockerill à Liège reprennent le mouvement et très vite, la grève s’étend à tout le bassin industriel. Mineurs et métallurgistes, avec à leur tête le communiste (et leader syndical) Julien Lahaut cessent le travail pour revendiquer une hausse des salaires, des rations alimentaires supplémentaires, des allocations de vacances, etc. Bientôt, entre 70.000 et 100.000 travailleur.euse.s sont en grève à Liège.
La ville de Seraing est l’épicentre du mouvement. Un comité de grève est créé et siège à l’hôtel de ville. Le 15 mai, Julien Lahaut (qui a été mandaté pour les négociations) tient un meeting devant la foule. La police militaire allemande en arme et baïonnette au canon, est prête à charger. Un avion survole Seraing. Le comité de grève reçoit l’injonction de donner le mot d’ordre de reprise. Lahaut résiste et parcourt la foule en déclarant : « Dispersez-vous, ne cédez pas à la provocation. Mais nom di dju la grève continue ! ».
Cette situation arrive aux oreilles du quartier général du Führer, alors en pleine préparation de l’invasion de l’URSS. Un général alemand note: “chaque jour de grève, c’est 2000 tonnes d’acier perdue”. La grève liegeoise met donc en péril les ambitions militaires nazies. Selon l’historien José Gotovitch, Hitler en personne intervient pour que Liège, bastion du conflit social, soit ravitaillé impérativement. Qui plus est, pour mettre un terme à cette grève, les Allemands doivent augmenter les salaires de manière substantielle (8 %). Finalement le travail reprendra entre le 19 et le 21 mai.
Impact
Cette grève, rentrée dans l’histoire comme celle “des 100.000”, est un réel succès, de surcroît sans faire de victimes. Elle va inspirer d’autres mouvements en Belgique et en France (notamment, des grèves d’ampleurs similaires dans le Nord). Néanmoins, les autorités allemandes durcirent également le ton et la répression sur les syndicalistes fut d’autant plus féroce. Un mois après la grève, et suite à l’invasion de l’URSS, Julien Lahaut (ainsi que des centaines de camarades) est arrêté et déporté. La grève des 100.000 reste toutefois un exemple marquant de résistance ouvrière et syndicale face au totalitarisme.
Sources
Solidaires. (2016). Mai 1941, la grève des 100 000. Gagner une grève en temps de guerre.
Wikipédia. Grève des 100,000.
Gotovitch, J. La « grève des 100.000 » – mai 1941. CarCob.