Falko – Chaque année, la pride récupérée par la ville, y voit parader sans scrupule le MR et la NVA, ouvertement intolérants, pendant que nos voix queer sont bâillonnées.
Je m’appelle Falko, je suis militant queer, trans, antifa.
Soli – Moi c’est Soli, Je viens de Belgique, Je suis militante et j’ai rejoins un mouvement queer antifasciste il y a quelques mois
Voici les récits de notre action à la pride 2025 à Bruxelles.
F – Je m’appelle Falko, je suis militant queer, trans, antifa.
Et je suis rempli de colère. Contre une société lgbtphobe et contre ma famille me laissant sur le bord de la route me débrouiller seul. Stonewall (« 1ere » pride, 1969, USA) a émergé grâce ou à cause de ces mêmes émotions, cinquante ans plus tôt. Pour des droits légaux mais surtout pour le droit au respect de qui l’on est. Le droit de cesser de s’excuser de qui l’on est. Le droit d’être, tout simplement.
S – Moi c’est Soli, Je viens de Belgique, Je suis militante et j’ai rejoins un mouvement queer antifasciste il y a quelques mois.
Je suis pédé non-binaire.
J’ai décidé de participer à une action visant les partis politiques qui ne luttent pas pour les droits des personnes queer mais qui sont présents chaque année dans le cortège de la pride à Bruxelles. Cette année, c’était le 17 mai. J’étais tellement en colère chaque année en voyant la NVA défiler qu’il était temps pour moi de me mobiliser et de témoigner de mon opposition à leur présence.
F- Cette lutte, encore et toujours si actuelle, ne peut être résumée à une journée de visibilité par an. Cependant elle doit rester impérativement le théâtre de nos revendications.
Chaque année, la pride récupérée par la ville, y voit parader sans scrupule le MR et la NVA, ouvertement intolérants, pendant que nos voix queer sont bâillonnées.
Notre action, dès le début, nous la voulions éducationnelle. Stopper le char est une chose mais il faut faire comprendre pourquoi.
S- Le matin avant la pride nous nous sommes réuni.e.s pour se rencontrer, échanger des précieuses informations et passer un doux moment à se maquiller se mettre pleins de couleur pour passer inaperçu dans le cortège, j’ai contacté des allié.e.s pour venir nous soutenir et être plus nombreux.euses.
C’était vraiment joyeux, cette action faisait tellement sens pour moi, j’étais toute excitée.
F- La prépa est intense, nous sommes peu à organiser mais toustes habités par la même énergie. Chacun.es avec nos ressources, connaissances, réseautage ; nous recrutons nos contre-manifestant.es, préparons un com de presse, créons nos boules puantes, bombes de peinture, pancartes, tracts, chansonniers…
Après avoir briefé les recrues, l’attente est longue. Le stress monte, les nouvelles de nos éclaireur.ses montrent une forte présence de robocop autour des chars. J’ai hâte de passer à l’action.
S- Nous avons observé le cortège passer devant nous, j’ai été très touché par le nombre de personnes qui avaient des pancartes dans le cortège, qui portaient les mêmes revendications que nous. La joie sur les visages de nombreuses personnes. Je me sentais bien mais également stressé. Car de la répression policière autour du char de la NVA nous avait déjà été communiquée. Répression commises sur des personnes qui s’opposaient individuellement à leur présence.
Lorsque les chars politiques sont arrivés, nous sommes rentrés dans le cortège, nous avons dansé, rit, profité de ce moment de légèreté avant l’action.
F- Je regarde avec énormément d’admiration passer nos contres manifestant.es qui avaient infiltré.es avec brio le cortège, jouant le jeu jusqu’à arborer des drapeaux de l’Europe. La surprise de leur mouvement est sans conteste au rendez-vous.
Ce qui n’est pas notre cas, nous sommes clairement repérés par des flics en civils, encore plus flag que nous.
Nous lâchons le matos de l’action plus vénère au programme.
S- Au signal, nous nous sommes regroupés pour faire face au char de la NVA. Il y avait quatres personnes sur ce char et 20 policiers bien équipés avec des boucliers et tout en noir autour. Nous avons crié de nombreux slogans, distribué des flyers pour expliquer notre action, nous rendre visibles. Le char des engagés a augmenté le volume de sa sono pour couvrir nos slogans.
La police a commencé à nous pousser, j’ai vu mes amies venues nous soutenir être repoussées par les policiers, mais tenir bon, calmer la nervosité, garder le bloc, continuer à chanter, faire passer notre message. Bloquer ce char, pointer à quel point leur présence est une insulte à la communauté.
F- Constatant la répression engendrée par un peu de peinture, nous croyons presque que là-haut quelqu’un nous aime bien.
Le top de l’action est chaotique. Pas certain de voir le signal. La foule est dense. Montée d’adrénaline. Je suis mon camarade. C’est le moment.
Je lance la peinture et m’éloigne rapidement. Je me retourne après quelques mètres, je ne vois plus mes binômes…
Je ne peux pas rester là, me faire prendre n’arrangerait rien. Je tombe vite sur une ruelle, je me change et très vite je retrouve la contre manifestations en train de se faire nasser.
S- Je n’ai pas subi de violence car je n’étais pas en première ligne. Mais j’ai pu observer la manière de frapper et de pousser que les policiers ont utilisé. Cette violence est inacceptable, complètement gratuite, injustifiée. J’étais tellement en colère. Ensuite, j’ai senti que les policiers allaient nous dévier du cortège, nous sommes restées en groupe soudé, pour être plus fortes. Nous étions encerclés, la peur est montée, je n’arrivais plus à parler.
Nous étions une vingtaine nassé.e.s par 5-10 policiers. Après avoir repris mes esprits, j’ai continué à chanter nos slogans, nous avons donné tout ce que nous pouvions. Et un soutien magnifique de centaines de personnes s’est fait à ce moment-là.
F- J’assiste impuissant à la scène. J’hurle des slogans repris par le public. Ma seule arme qui me reste, est ma voix rendue mutique par le brouhaha environnant. Je m’époumone tandis que mes allié.es ont le souffle coupé, choqué.es de cette emprise.
Je suis là, incapable. Mon regard désolé, avec ce goût amer d’injustice en bouche, mais c’est mon regard rempli d’amour, de reconnaissance et d’admiration qui prend le dessus.
J’arrive à capter le regard de mes camarades, ami.e.s pri.ses au piège dans la nasse. Pourtant, courageusement, iels continuent de brandirent leurs pancartes dignement.
En parallèle, nous recevons des messages informant de la sécurité des personnes ayant participé à l’action. Rapidement nous comprenons que l’un d’entre nous est arrêté.
S – De nombreux inconnus, amies, se sont réunis autour de la nasse et on continué à chanter avec nous, pour nous soutenir, en réclamant notre libération, l’injustice que nous subissions, la honte de nasser des militants LGBTQIA+ le jour de la pride, le jour de la militance queer, notre journée. Je passais par tellement d’émotions différentes, nous parlions entre personnes nassées, nous rigolions, nous nous assurions que tout le monde aille bien, nous donnions à boire et à manger.
La pancarte levée bien haut tout du long, « STOP PINK WASHING », j’étais fière de garder cette revendication bien haut même entouré de policier. Une policière était en face de moi, j’ai pris le temps de l’observer, c’était la seule qui avait son nom et son matricule visible, les autres qui l’entouraient l’avaient enlevé ou caché. Hors c’est une obligation légale d’afficher ce matricule. Je l’ai regardé dans les yeux avec beaucoup de calme, je lui ai souri, son regard est devenu triste elle a baissé les yeux, elle ne les a plus jamais relevés durant toute la nasse. J’étais touché par la tristesse dans laquelle cette situation la mettait. Elle faisait partie de l’équipe de répression, mais ressentir son désaccord avec la situation m’a rendu heureux.
Ne pas laisser la répression policière nous faire taire. Continuer, garder espoir, lutter pour nos droits. Nous avons ensuite été fouillés au corps un à un, C’est très désagréable qu’un policier vous touche ainsi. Nos pancartes et notre mégaphones ont été pris par la police. Nous avons été libérés.
Quel soulagement de pouvoir rejoindre les autres militant.e.s, nos ami.e.s et proches. De se sentir soutenu, aimé, entouré.
Cela m’a donné tellement de force, merci à toutes ces merveilleuses personnes. J’ai été aussi un soutien pour mes amies alliées, venues nous soutenir qui de leur côté aussi ont vécu beaucoup de peur.
Essuyer les larmes, calmer les blessures, les peurs, se donner de l’amour et de la force, écouter, rassurer, … J’ai passé la suite de la journée entourée des personnes de l’action et de mes ami.e.s, nous avons après peu de temps retrouvé beaucoup de joie et de fierté.
F- Le soir, je n’ai pas le cœur à la fête, comme beaucoup d’autres du collectif.
Difficile de célébrer lorsque l’on ne sait pas ce qu’il est en train de vivre. Le lendemain matin, après plus de 12h de gardav, l’inquiétude prend de la place. Ce n’est plus une arrestation administrative mais judiciaire. Nous refaisons un communiqué de presse, nous communiquons sur nos réseaux sociaux et militants. Nous nous mobilisons devant les casernes d’Etterbeek où l’on sait qu’il est passé, via son avocat. Les keufs nous baladent et nous repartons bredouille. Après s’être séparés, la nouvelle tombe : il passera devant le juge dans l’heure.
Il est presque 21h, dimanche 18 mai, 27 heures après l’action lorsque l’on le retrouve enfin. Nous pouvons un peu souffler, profiter du petit rayon de soleil qui pointe son nez. Nous écoutons atterré.es son récit, une répression inouïe.
Notre parole fut relayée dans de nombreux médias mainstream, en cela c’est une victoire.
Mais l’écrasement de nos voix, par une police toujours plus violente et un nouveau procureur du roi anti militant, nous fait craindre pour le futur.
Ils peuvent construire leurs murs de haine et d’intolérance, nous trouverons toujours des montgolfières pour passer au-dessus.
S- Victoire militante et importance de continuer, de lutter.
Cette action était tellement importante, c’est une victoire, un moment clé et symbolique qui a été repris par de nombreux médias. Cela me donne la niaque de continuer. Le chemin est encore long, je serai à nouveau confronté à la police, dans un pays où la répression est de plus en plus importante.